Rendre le choc confortable

S‘il y a bien une partie de l’avion qui souffre en silence à chaque vol, c’est le train d’atterrissage. Sous l’avion, juste derrière le réacteur, au ras du sol, son emplacement est peu enviable. Pourtant, cet ensemble accomplit à répétition un travail fantastique. Il est capable d’absorber une énorme quantité d’énergie et c’est très bien pour nous, les occupants du vaisseau.

Landing Gear

Quand on se pose, c’est d’abord l’amortisseur qui encaisse. Il passe en un instant d’une position de repos à un état comprimé, avec les 60 et quelques tonnes de l’A320 (enfin la moitié car ils sont deux amortisseurs) sur les épaules. Et même un peu plus en charge apparente instantanée à l’instant de l’impact, l’accélération verticale en ajoutant une quantité non négligeable.

Simultanément, les quatre gros pneus effectuent une transition éclair de 0 vers environ 130 noeuds (soit 240 Km/h). L’accélération est si rapide que la gomme en contact avec le sol n’a d’autre choix que de brûler, générant le petit nuage de fumée caractéristique. Et aussi le fameux petit « couic » sonore qu’on entend si on n’est pas trop loin.

Enfin le plus dur reste à faire : ralentir la machine sur la piste, avant d’en avoir atteint la fin. Pour ça, chaque roue est dotée d’un  bloc de freinage en carbone capable d’arrêter confortablement 60 tonnes d’Airbus en 1800m, voire bien moins si le confort n’est pas le but recherché. Quelques minutes après le freinage, l’énergie cinétique de l’ensemble de l’avion ayant été absorbée par les freins, la température de ces derniers monte de quelques centaines de degrés, jusqu’aux alentours de 240 degrés au quotidien. 300 degrés s’il fait chaud et que la piste est courte. Beaucoup plus en cas d’interruption du décollage.

Bref, le train d’atterrissage c’est un beau condensé de technologie. En très grande partie fabriqué en France !

 

Fluctus

Nouveau né parmi les nuages officiellement reconnus, le Fluctus a été ajouté en 2017 à l’Atlas International des Nuages alors qu’il avait été amendé pour la dernière fois en 1987.

Effectivement l’atmosphère ne change que très peu son comportement. Par contre notre regard sur certaines choses évolue, et certains phénomènes sont plus fréquemment visibles qu’avant. Le développement marqué du transport aérien et la présence massive d’appareils photos dans les avions ont notamment participé à recenser plus régulièrement ce type de nuage. Le voici donc baptisé et classifié parmi les autres.

Altocumulus Fluctus

L’origine du phénomène se conçoit assez simplement. Il est lié à une différence de vitesses de vents entre deux couches atmosphériques en contact.

Je ne l’observe pas très souvent, et il est assez éphémère en général. Quelques minutes environ. J’étais donc plutôt content d’ immortaliser celui-ci, qui plus est avec une lumière de fin de journée.

Orage Lyonnais

Là comme ça au milieu du mois de Janvier ce n’est pas vraiment la saison des gros orages de fin de journée, bien nourris à la chaleur du mois de Juillet. J’avais en stock cette photo que je trouve sympa alors je l’ai ressortie.

Thunderstorm inflight

Dans un article un peu plus ancien qui parlait du Cumulus Mediocris, j’évoquais la vie du Cumulus qui se développe jusqu’à un certain point. Sur la photo il a atteint son stade maximum : le Cumulonimbus. Il occupe quasiment toute l’épaisseur de la troposphère (c’est la couche d’atmosphère dans laquelle on vit, qui contient quasiment toute l’humidité en suspension) et se retrouve coincé par le dessus par la couche supérieure, la stratosphère. C’est ce que l’on distingue bien sur la partie haute du nuage, cet étalement qui semble généré par un plafond invisible.

Le monstre orageux mesure donc une petite douzaine de kilomètres de haut, il est chargé d’énergie sous forme de chaleur. Tout ceci mélangé offre, aux habitants de Lyon situés juste dessous, de belles quantités d’eau fraiche et d’air frais venant de très haut. Et quelques éclairs aussi.

La grosse tâche lumineuse est l’un de ces nombreux éclairs qui illuminent le nuage par l’intérieur. Quand il fait vraiment nuit d’ailleurs et qu’on ne distingue pas les nuages, on aperçoit les orages furtivement à chaque éclair. Ambiance mystique garantie. Et petits détours aussi. En altitude, on évite de voler à moins d’une cinquantaine de kilomètres d’une cellule orageuse afin d’en éviter les phénomènes dangereux (turbulences, grêle, givrage intense notamment) qu’elles offrent.

Retour de la sélection Cadets Air France

L‘info n’est pas toute fraiche mais je me dois d’en parler. C’est avant tout une très bonne nouvelle pour tous les jeunes qui souhaitent s’orienter vers une carrière de Pilote de Ligne.

La dernière session de recrutement des Cadets d’Air France a eu lieu en 2008 – 2009. J’ai eu la chance d’être sélectionné à cette période. Depuis, la filière est fermée. Ce n’est qu’en décembre dernier (2017 donc) qu’Air France a annoncé le redémarrage d’un cursus Cadet. Excellente nouvelle donc !! Sans parler de l’intégration de pilotes professionnels qui bat actuellement son plein.

Trois lien intéressants à ce sujet donc, en plus de toutes les catégories de revedavion.com décrivant le cursus de formation et l’activité d’un pilote de ligne.

Le forum aeronet : http://forum.aeronet-fr.org. Il regorge d’informations sur les sélections, il permet de se renseigner notamment sur les tests auxquels s’attendre et les niveaux attendus. C’est basé sur les retours d’expériences de participants, et ça permet de rencontrer du monde.

Le site officiel d’Air France : http://corporate.airfrance.com/fr/etre-pilote-de-ligne-air-france. Il décrit le métier dans l’entreprise. L’une des références pour préparer tout ça.

Un site un peu plus moderne : https://air-france.career-inspiration.com/app/discussions/view/26187/ecole-des-cadets-d-air-france. Vous pouvez poser des questions à des employés d’Air France directement, notamment Juliette D, OPL A320 ou Damien B, qui s’occupe des sélections Cadets.

Brouillard

Définition :
Le brouillard est la suspension dans l’atmosphère de très petites gouttelettes d’eau réduisant la visibilité au sol à moins d’un kilomètre. (Source et article très complet : http://www.meteofrance.fr/prevoir-le-temps/phenomenes-meteo/le-brouillard)

Le brouillard est contraignant en voiture. Il l’est un peu moins à vélo et un peu plus en avion. Le lien entre tout les trois ? Les vitesses en jeu et donc le temps disponible devant soi pour réagir à un imprévu.

Ce matin sur mon vélo de facteur d’occasion (voir l’épisode précédent) la visibilité dans le brouillard était d’environ 450 mètres. Un peu de calcul scientifique plus tard, on obtient un temps de parcours pour ces 450m en fonction de son moyen de transport :
À vélo (20 Km/h) : 1min 21s
En voiture (90 Km/h) : 18s
Au décollage en avion (220 Km/h) : 7s

Conclusion : si une vache s’est endormie sur mon chemin, je pourrai l’éviter ou m’arrêter facilement avant elle si je suis à vélo. En voiture probablement aussi. En avion non.

Fog and Airbus

Ceci explique pourquoi le brouillard est une menace particulière sur un aéroport. Dans la réalité sur les gros aéroports modernes la vache en tant qu’obstacle est très peu crédible. Mais le principe est là. On comprend la nécessité d’établir un environnement contrôlé et maîtrisé afin de conserver les pistes libres de tout véhicule ou aéronef et de fournir un guidage optimal aux avions pour qu’ils trouvent leur zone d’atterrissage quasiment à l’aveugle.
Les procédures faible visibilité (le terme commun est LVP, Low Visibility Procedures en anglais) sont là pour garantir ces aspects. Elles ont trois acteurs, et chacun doit être qualifié : l’aéroport, l’avion et l’équipage.
L’aéroport doit être par exemple doté d’un système ILS de grande précision pour permettre aux avions de suivre un axe et un plan qui les mènera vers une zone très précise d’atterrissage. Il doit aussi comporter un balisage lumineux spécifique au sol pour que les avions puissent cheminer entre les pistes et les parkings. Ça paraît bête, mais ce n’est pas évident (voir la photo).
L’avion doit notamment être équipé de systèmes de haute précision et redondants : la panne d’un système entraîne la prise de relai par un autre.
L’équipage doit être entraîné au simulateur à ces opérations et au comportement à tenir selon les pannes de systèmes de l’avion ou de l’aéroport.

Conséquence de ces opérations délicates : comme dans le brouillard sur l’autoroute, on prend plus de marges que d’habitude, donc tout va moins vite, donc souvent sur des horaires serrés on génère du retard.

Nouveau Site

Quelques longs mois d’abandon m’ont enfin fait réagir et j’ai revu le design du site, les liens obsolètes et publié deux ou trois nouveaux articles. S’il y a des coquilles, des liens qui ne sont pas à jour ou autre, n’hésitez pas à me contacter par le formulaire de contact. Et bonne année 🙂

Piémont Italien

Velotaf Vers l’Aéroport

Je prends beaucoup de plaisir à partir très tôt sur mon vélo vers l’aéroport pour aller travailler. Quand il est 4 ou 5h le matin, pédaler met le corps en mouvement et me permet de me sentir bien en forme à des heures où on n’est pas forcément programmé pour l’être. C’est un peu une caféine avec un guidon et deux roues.
Vélo sur la digue de Garonne
Autre bel avantage à pédaler vers l’avion : on respire au grand air les éléments du jour tels qu’ils sont. Tout à l’heure bien emmitouflé dans ma veste d’hiver le brouillard était plutôt dense, légèrement givrant, et sur la digue de la Garonne un très léger vent de Sud-Est me poussait vers l’aéroport. Ce sont des indices utiles pour apprécier les conditions dans lesquelles on va effectuer notre décollage 1h30 plus tard. Ce sont des indices utiles qui me signalent que j’aurais mieux fait de mettre mes gants en partant.
L’un des traits du métier de pilote de ligne est la « Conscience de la situation ». L’expression semble très générale mais elle définit bien un aspect important de la profession, consistant à apprécier le contexte dans lequel on évolue à chaque instant. Qu’il soit technique, commercial, météorologique ou autre. Cette prise de conscience de la situation débute le matin en regardant dehors, en route vers l’aéroport ou en se gelant les mains sur son vélo.
Maison – Aéroport de Blagnac : 0h22

Pilote Automatique = Ennui ?

On me dit souvent « Mais l’avion quand il est sous pilote automatique, t’as plus rien à faire, tu peux te reposer ? ». Et je ne peux pas répondre simplement oui à ça, j’aurais trop de problèmes avec mes collègues ! Surtout ce n’est pas la réalité.
A l’origine de cette croyance, je pense qu’il y a un problème avec un film que j’ai adoré étant petit : « Y a-t-il un pilote dans l’avion ». Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le pilote automatique n’est pas gonflable, il ne prend pas le siège d’un pilote et il ne sourit pas.
Le rôle des automatismes dans les avions est de soulager la charge de travail des pilotes. Un but simple : être le moins fatigué possible pour pouvoir réaliser un vol en sécurité et disposer de ressources en cas d’apparition d’un problème.
Piloter un avion c’est génial. J’adore ça et je ne suis pas le seul. Mais piloter un avion manuellement pendant une longue période requiert beaucoup d’attention, c’est donc fatigant. Le principe est le même en voiture, c’est pour ça qu’on conseille une pause toutes les deux heures. En avion, on ne va pas s’arrêter toutes les deux heures. Donc on met en place des subterfuges à la baisse de vigilance. Le fait d’être deux pilotes à partager le travail y participe déjà bien. Et côté technique il y a donc les automatismes.
Un pilote automatique pour faire simple c’est un ordinateur qui est capable de maintenir constants, entre autres : une vitesse, une altitude, un cap. Quand on enclenche le pilote automatique, on lui dit ce qu’il doit tenir comme éléments et il obéit. Ensuite avec le progrès on a des ordinateurs un peu plus complexes qui sont capable de dire qu’à un point donné de la route on va changer de vitesse ou virer vers tel cap.
Lorsqu’on enclenche le pilote automatique c’est donc encore le pilote humain qui pilote l’avion. Ce qui change c’est qu’on ne déplace plus des manettes pour faire bouger l’avion mais on change les valeurs des paramètres que doit tenir le pilote automatique. Ça revient à rajouter un intermédiaire, un genre de « troisième pilote » (on est en général deux pilotes humains).
Ensuite, sûrement pour justifier un peu plus notre travail, ces automatismes ont des limites. Une turbulence un peu forte par exemple, et le pilote automatique peut se déconnecter instantanément, rendant la main à l’humain. Ça permet de voir différemment des heures de croisière « où l’on ne fait rien ».
Bref, grâce au pilote automatique dans sa version non gonflable, on peut se détendre et c’est fait exprès. Mais l’attention est constante.

Vivre la nuit

Le vol de nuit fait partie de ces aspects du métier qui me font rêver depuis longtemps, à travers des récits divers. Saint Exupéry le décrit merveilleusement, le contexte de l’époque étant différent et la situation un peu plus tragique.
Mais les sensations sont là. Se préparer tranquillement au long de la journée à aller travailler quand les autres vont se coucher. Gérer son repos pour accumuler de l’énergie et faire face à l’inévitable baisse de forme du milieu de croisière. Enfin, décollage. En plein milieu de la vague des long-courriers qui partent un peu partout sur le globe. Il est minuit, nous voyons la Tour Eiffel scintiller en montée initiale avant de virer à 180 degrés à gauche pour prendre un cap vers notre destination, Israël. L’atmosphère est tranquille, les échanges radio le sont aussi à cette heure avancée. La montée est lente car nous sommes lourds, proches de notre masse maximale au décollage. Puis nous voilà en croisière. Des Alpes nous ne verrons que les altitudes de sécurité élevées bien écrites en rouge sur nos cartes. De la Croatie que quelques villes longilignes éclairées décrivant la côte et ses iles. Un peu avant Tirana on distingue, encore grâce à quelques traits côtiers lumineux, les deux rives du détroit d’Otranto qui marque l’entrée de la Mer Adriatique. Puis arrive Athènes, gigantesque et très lumineuse. La suite se fait dans la pénombre, à tenter de distinguer Rhodes pour savoir ce qui est de l’eau et ce qui est de la terre… pas évident avec cette nuit sans lune. Au bout de 3h30 de vol, la lueur apparait, c’est le bout de la Méditerranée. Fin de la traversée. La côte se dessine progressivement comme une grande barrière lumineuse devant nous. C’est calme ici aussi, guidage simple pour se poser face au sud. Au sol, il fait 25 degrés à 5h du matin, pas de parking disponible, des gyrophares partout traduisent la pointe d’activité qui se prépare, le jour pointe son nez. La nuit est déjà finie.
Paris – Tel Aviv, 4h02.

 

Vol de nuit, Ciel de nuit